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Catastrophes Naturelles en Côte d’Ivoire: Ce que propose le Prof. Ochou Abé Delfin…

Environ une vingtaine de personnes meurent chaque année en Côte d’Ivoire pendant la grande saison des pluies. Ces conséquences néfastes dûent aux catastrophes naturelles que subissent notre pays nous alerte tous face à cette situation alarmante. Le Professeur Ochou Abé Delfin, ex-Point Focal National pour la Réduction des Risques de Catastrophe et Coordonnateur du Programme de gestion du littoral ouest-africain ( En Anglais WACA) pour la Côte d’Ivoire nous donne plus de détails suite à ces interrogations:

 

La Plateforme Nationale pour la Réduction des Risques de Catastrophe (RRC) n’est-elle pas le meilleur cadre pour une gestion durable des inondations, glissements de terrains et autres catastrophes naturelles ?

Depuis plus d’une décennie la Côte d’Ivoire subit les conséquences néfastes des catastrophes naturelles que sont les inondations, les glissements de terrain, l’érosion côtière, la sécheresse, etc., dans un contexte de changement climatique avéré.

En particulier la capitale économique et certaines villes de l’intérieur enregistrent, chaque année, pendant la grande saison des pluies, de nombreuses pertes en vies humaines (environ une vingtaine par an) et de très importants dégâts matériels en termes d’infrastructures socio-économiques,  à cause des inondations et des glissements de terrain.

La problématique des catastrophes naturelles étant multidisciplinaire et multisectorielle, on assiste chaque fois à une forte mobilisation des administrations concernées pour la prise en charge des victimes. Il s’en suit parfois des actions vigoureuses de  déguerpissement des populations installées dans les zones à risques qui sont malheureusement de plus en plus nombreuses au regard d’une urbanisation incontrôlée à travers l’occupation anarchique des espaces. Le constat amer est que la situation ne s’améliore pas au fil des ans, malgré les efforts de l’État.

La solution à la réduction des risques de catastrophe ne se trouve-t-elle dans une autre façon d’agir ? 

Les actions dispersées auxquelles l’on assiste ne sont-elles pas de nature à ne pas porter les fruits escomptés?

À ces questions légitimes, on pourrait dire qu’une piste de solution existe et déjà à la portée de la Côte d’Ivoire.

De quoi s’agit-il ? 

Il est important de savoir, sinon de rappeler, que la problématique des risques de catastrophe est prise en charge au niveau international par le Système des Nations Unies à travers la Stratégie Internationale pour la Prévention des Catastrophes (ONU-SIPC) qui a créé,  depuis 2005, le Cadre d’Action de Hyogo 2005-2015, remplacé désormais par le Cadre de Sendai 2015-2030. L’ONU-SIPC invite les Etats à la Réduction des Risques de Catastrophe (RRC) dans leurs pays pour parvenir à la résilience des populations, des infrastructures et de l’environnement, qui consiste à mener des actions visant à minimiser les pertes et dommages en cas de survenue d’un aléa.

Le Cadre de Sendai repose sur quatre (04) priorités d’actions :

  • Priorité 1 : Comprendre les risques de catastrophe ;
  • Priorité 2 : Renforcer la gouvernance et les institutions pour gérer les risques de catastrophe ;
  • Priorité 3 : Investir dans la résilience économique, sociale, culturelle et environnementale ;
  • Priorité 4 : Renforcer l’état de préparation aux catastrophes pour intervenir de manière efficace et «reconstruire en mieux» durant la phase de relèvement, de remise en état et de reconstruction.

Pour une meilleure mise en œuvre de ces priorités, la communauté internationale invite les Etats à mettre en place un cadre appelé « Plateforme Nationale pour la Réduction des Risques de Catastrophe (PFN-RRC) ».

Il s’agit d’un Comité multipartites (Ministères,  Agences, Collectivités, Secteur Privé, ONG, etc.) de concertation et de réflexion sur le cycle gestion des risques pour proposer des solutions concertées à mettre en œuvre par des parties prenantes dans leurs champs de compétences.

En d’autres termes, la PFN-RRC sert comme un outil pour la préparation, l’atténuation et l’intervention à différents niveaux et assure la coordination, l’analyse et donne des conseils sur les domaines prioritaires nécessitant une action concertée à travers un processus coordonné et participatif.

 

La Côte d’Ivoire dispose-t-elle d’un tel cadre ? 

La réponse est OUI. Il se trouve fort heureusement que la Côte d’Ivoire, qui s’est inscrite dans l’ONU-SIPC depuis 2005, dispose de ce cadre suite à la prise du Décret n°2012-988 du 10 octobre 2012 portant  création, attributions, organisation et fonctionnement de la Plateforme Nationale de Réduction des Risques et de Gestion des Catastrophes (en abrégé Plateforme Nationale RRC).

Elle est placée sous la tutelle du Cabinet du Premier Ministre. Des arrêtés d’application ont été pris en 2015 et son Secrétaire Exécutif a été nommé en 2018.

La Plateforme Nationale RRC est composée de quatre (04) Comités Techniques Sectoriels  (CTS) qui vont passer à 5 sur recommandation du Cadre de Sendai 2015-2030.

Rôle des CTS : Ces CTS ont pour missions de mener des réflexions et de proposer des solutions sur l’identification des zones à risques,  l’évaluation des risques et les mesures de réduction, l’alerte précoce et la préparation à la réponse, la communication et la sensibilisation,  le renforcement des capacités et la mobilisation des ressources, la réponse d’urgence et le relèvement post-catastrophe, tout cela en lien avec les directives du cadre de Sendai en vigueur.

Une très grande partie des Ministères et des structures comme l’ONPC, la SODEXAM, le BNETD, l’ONAD, l’INS, la DGAMP, le CIAPOL, l’ANDE, l’ANADER, l’OIPR, l’ANAGED, l’ONEP, l’INHP, les Universités et Centres de recherche, des ONGs, etc., sont représentés dans les CTS en fonction de leurs domaines de compétences.

Activités majeures menées

Plusieurs structures publiques et parapubliques ont désigné des Points Focaux pour contribuer à la mise en place de la PFN-RRC.

Des activités de sensibilisation et de formation des Points Focaux ont été réalisées y compris à l’endroit d’élus locaux.

La Côte d’Ivoire a, depuis 2007, participé à la grande majorité des Plateformes  Mondiales et Régionales Afrique ainsi qu’à la 3ème Conférence Mondiale en 2015 qui a consacré le  Cadre de Sendai 2015-2030. Le Système des Nations Unies a renforcé les Capacités des structures nationales en matière de RRC en 2016, formation suivie de l’élaboration du Plan d’Action National 2016-2020 pour la RRC en Côte d’Ivoire, assorti d’un Accord de mise en œuvre signé entre le Gouvernement et le Système des Nations Unies. Toutefois, sa mise en œuvre n’a pas encore été véritablement amorcée.

De plus, en 2016, la Banque mondiale a renforcé les capacités des parties prenantes en matière d’Evaluation des Besoins Post-Catastrophe (PDNA pour Post Disaster Needs Assessment en anglais).

Suite aux inondations meurtrières de 2018, la Banque mondiale, l’Union Européenne et le Système des Nations Unies ont appuyé la Côte d’Ivoire dans un exercice d’évaluation des besoins post-catastrophe.

Au cours de la mise en œuvre du Cadre d’action de Hyogo 2005-2015, la Côte d’Ivoire a activement contribué à sa revue biennale. Les informations y relatives ainsi que des documents peuvent être trouvés sur le site www.preventionweb.net.

Toutes ces actions montrent bien que notre pays dispose d’un potentiel humain et de capacités pour s’investir de façon efficiente dans la prise en charge des catastrophes à travers la Plateforme Nationale RRC.

Que dire de tout ce qui précède ?

La question légitime que l’on est en droit se poser ici est la suivante:

Une solution efficace ne serait-elle pas dans l’adhésion des différentes parties prenantes autour de la Plateforme Nationale RRC  dont la Côte d’Ivoire s’est dotée par décret en 2012 ?

Il s’agira ici de faire effectivement fonctionner la PFN-RRC à travers la mobilisation des CTS qui sont déjà constitués. Les Partenaires Techniques et Financiers que sont le PNUD, la Banque mondiale, l’Union Européenne, OCHA, l’UNICEF, la FAO, l’UNICEF, etc. ont déjà accompagné notre pays et sont prêts à continuer si la volonté politique autour de la plateforme est manifeste.

Il est d’ailleurs heureux de voir que la Banque mondiale a accordé en 2020 un financement important à la Côte d’Ivoire pour la mise en œuvre d’un Projet d’Assainissement et de Résilience Urbaine (PARU) susceptible d’apporter des solutions idoines à la problématique de la gestion des déchets et de l’assainissement et par conséquent des inondations.

Il est toutefois important de comprendre qu’un seul projet ne résoudra pas l’ensemble des questions de catastrophes hydrométéorologiques qui sont récurrentes, d’où la nécessité de leur gestion à travers un cadre institutionnel adapté, capable d’identifier et d’élaborer de nombreux autres projets bancables à l’instar du PARU.

Au risque de me répéter, l’efficacité de la prise en charge des catastrophes se trouverait ainsi dans le changement de paradigme qui invite les acteurs à travailler au sein de la Plateforme Nationale RRC qui a l’avantage de proposer des solutions concertées avant, pendant et après la catastrophe, solutions que les parties prenantes mettent en œuvre individuellement ou collectivement conformément à leurs missions et compétences.

Que retenir ?

De tout ce qui précède, il ressort que la Côte d’Ivoire dispose bel et bien d’un cadre, sinon d’un outil de gestion des catastrophes naturelles et même anthropiques logé à la Primature au sein duquel tous les acteurs doivent se retrouver réfléchir et prendre des actions concertées.

Cette Plateforme devra être activée à présent à travers son Secrétariat Exécutif afin de rechercher les solutions idoines susceptibles d’apporter la résilience économique, sociale, culturelle et environnementale à nos populations face aux effets dévastateurs des inondations, des glissements de terrain, de l’érosion côtière, de la sécheresse, des épidémies, etc.

C’est à ce prix que nous parviendrons à une gestion rationnelle des risques avec des mesures idoines mises en amont dans la prévention, la préparation, la réponse et le relèvement.

Pour clore ce propos, méditons cette assertion qui fait savoir, selon l’ONU-SIPC, que  « 1 FCFA investi dans la prévention, permet d’économiser 7 FCFA englouti dans la réponse ».

GiletsBleus

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